DE CHEZ MOI, A ... CHEZ MOI, EN PASSANT PAR 

SAINT-JACQUES DE COMPOSTELLE 

Avertissement au lecteur 

  

Mes propos, notamment sur la religion, risquent de choquer certains. Qu'ils sachent que je respecte leur "Croyance", en espérant toutefois que, eux, respectent mon "Incroyance". Le Chemin de Compostelle est un patrimoine de l'humanité et il appartient à tous. Par ailleurs, mes diverses pérégrinations me laissent à penser que le nombre de pèlerins animés d'une véritable foi chrétienne va décroissant au fil des ans. 

Le fait de n'être membre d'aucun parti politique, ne m'empêche pas d'avoir des opinions et de les énoncer à l'occasion. Les autres points de vue, j'en discute volontiers et, assez souvent, j'en tire profit. 

Par contre, je ne tolère en aucun cas le racisme qui, faut-il le rappeler, n'est pas une opinion, mais un délit. Je me refuse à toute discussion sur ce sujet. 

Bon courage. 

Ecriture et organisation de l'ouvrage 

  

Pour relater au mieux un voyage de cinq mois, il faut nécessairement prendre des notes. Ecrire le soir les événements de la journée est une solution, mais en a-t-on toujours envie ? Certains produisent des récits de voyages écrits de cette façon, et s'interdisent de modifier quoi que ce soit de ce qui est jeté sur le papier au jour le jour. J'admire beaucoup, mais je m'en sens tout à fait incapable alors ... 

J'ai un petit enregistreur de poche (un "Voice it" à carte mémoire, sans cassette) dans lequel, je parle et enregistre quand je veux. Exemples : "Départ à 7 h 55", "10 h 30, le temps se couvre", "Parler de la belle jeune femme vue à ..." etc. La capacité de quinze minutes dont je dispose est largement suffisante puisqu'il ne s'agit que d'un "pense-bête". Le soir, mais pas forcément tous les soirs, je transcris ces notes sonores sur un cahier d'écolier en détaillant un peu plus mon propos. J'ai ainsi rempli quatre cahiers de cent pages. C'est ce document de base qui m'a permis de rédiger ce que vous allez lire. Bien entendu, je n'ai pas tout retranscrit et, des événements non notés me sont revenus en mémoire, mais sans ces quatre cahiers, rien n'aurait été possible. 

Ce récit, est rédigé d'une manière linéaire, c'est la relation, au jour le jour de ce que j'ai fait, vu, entendu et pensé tout au long des cinq mois de mon périple. Une rédaction par chapitre traitant chacun d'un sujet m'aurait mieux convenu. Seulement voilà, ... je n'ai pas réussi à commencer de cette manière ! 

J'utilise au maximum le présent de narration. C'est plus vivant. 

Je donne tous les jours l'heure de mon départ. J'avais noté de manière très précise, mais afin de ne pas apparaître comme un stressé de l'horaire, j'ai "déprécisé" au quart d'heure ("peu avant huit heures du matin" me paraît largement préférable à "7 h 55" !). 

Sauf exceptions, je vous donne dès les premiers alinéas la météo de ma journée entière. Je ne m'interdis pas bien sûr d'y revenir plus précisément si nécessaire. 

Tous les jours, sur le parcours français, aller comme retour, je vous indique le numéro de la carte I.G.N au 1/100 000 ème où se situe l'étape du jour. (supprimé) 

J'ai évité au maximum d'écrire avec des chiffres. Ce n'est pas beau et ça perturbe les césures ! 

Petite variante par rapport à un journal classique, et, pour lui donner "un peu d'air", j'ai décidé de créer un certain nombre de rubriques qui apparaîtront au hasard du récit.  

  

Ce seront : 

  

"Un peu d'histoire" et "Un peu de géographie". Textes courts et aussi peu didactiques que possible. Pas de cours magistral, les ouvrages traitant en détail de l'histoire du Chemin sont légion. Mon histoire à moi, se veut anecdotique. 

  

"Aucun rapport avec Compostelle, mais j'écris ce que je veux". En marchant, l'activité cérébrale est intense, mais on ne pense pas qu'à Compostelle. Je vous fais part de mes méditations. 

  

"Rions un peu". Les occasions de rire sur le chemin sont nombreuses. J'en ai retenu quelques-unes. Vous en amuserez-vous ? 

  

"Légendes et miracles". Les lieux traversés sont souvent l'objet de légendes et les miracles que l'on raconte sur le chemin sont nombreux. Je vous fais part de ceux que j'ai le plus appréciés. 

  

"Souvenirs, Souvenirs". Lors de mes diverses pérégrinations, j'ai été amené à passer, assez souvent, plusieurs fois au même endroit. Avant 1999, je n'ai pris que peu de notes (ou je les ai perdues). Alors, quand, lors de mon périple de 1999, je repasse à un endroit auquel se rattachent des souvenirs d'autres séjours, et que je veux les relater en plus de quelques lignes, je les raconte dans cette rubrique. 

  

"C'est mon opinion et je la partage". Enfin, un événement quelconque du parcours me donne l'occasion de dire mon point de vue sur un fait de société. Je le fais. Vous n'êtes pas du même avis que moi ? C'est votre droit ! Toutefois, lisez bien l'avertissement au lecteur qui suit (la fin surtout !). 

 

Je demande, instamment, la plus grande indulgence de votre part pour toutes les fautes (d'usages, grammaticales et typographiques) qui, à coup sûr, parsèment encore les lignes qui suivent. Louis Le Roux (pour le premier tronçon) et Jean-Pierre Lenoble (pour l'ensemble) m'ont beaucoup aidé dans le travail de correction, mais depuis, j'ai apporté des ajouts, des modifications et probablement réintroduit de nouvelles fautes. En plus, je soupçonne mon vieux "Mac", au disque dur fractionné, de me perdre, à l'occasion, des attributs typographiques ! Il est bien connu que le mauvais ouvrier se plaint toujours de ses outils ! 

Le style, c'est le mien. J'ai fait de mon mieux et à chaque relecture, je modifie (et réintroduis des fautes !). Alors, un jour, il faut arrêter. 

Des termes et expressions populaires, argotiques ou en langue espagnole font l'objet d'une note de bas de page. S'ils reviennent plusieurs fois, ils sont suivis d'un astérisque qui vous invite à consulter le "lexique franco-espagnol" en fin d'ouvrage. J'ai considéré de mon devoir de donner le sens de tous ces mots par respect pour mes lecteurs handicapés par le fait qu'ils n'ont pu passer une partie de leur enfance à la "popinque" (rue Popincourt-Paris XIème) et travailler de longues années sur des chantiers de travaux publics. Il faut savoir dire non à la fracture sociale ! 

Quelques personnages, signalés également par un astérisque, bénéficient d'un petit paragraphe en fin d'ouvrage. Le choix s'est fait uniquement dans l'optique de désencombrer et de rendre aussi clair que possible le texte proprement dit. Ne pas bénéficier d'un paragraphe en fin d'ouvrage, pour un participant à mon périple, n'est en rien discriminatoire. 

  

Le lexique de l'ouvrage "papier" a été éparpillé en de nombreux liens signalés par un astérisque rouge. Vous saurez, si tant est que vous en ayez souvent besoin, vous en passer rapidement car ces termes et personnages revenant souvent vous seront vite familiers. 

Pourquoi ce périple ? 

  

Le jeudi 30 septembre, 1999 à dix-huit heures vingt-deux minutes et vingt-trois secondes, j'ouvre la porte de mon immeuble. Le samedi 1er mai 1999 à six heures "pile" du matin j'avais fait l'opération inverse. Je suis donc parti de chez moi durant 152 jours 12 heures 22 minutes et 23 secondes. Pendant ce laps de temps, j'ai marché effectivement 142 jours et parcouru plus de 4 000 kilomètres. Sur la base de mon module de pas de 0,80 mètre que j'ai adopté pour mon podomètre (le peu de temps où il a bien voulu fonctionner !), j'ai donc effectué plus de 5 millions de pas. Je n'ai pas fait ce voyage pour pouvoir aligner des chiffres aussi impressionnants soient-ils (les amateurs trouveront leur bonheur dans les annexes). Alors, pourquoi ce long périple de "Chez moi à ... chez moi en passant par Saint-Jacques-de-Compostelle" ? 

Faisons un retour en arrière (très en arrière). En 1960, à presque 20 ans, je suis l'heureux propriétaire d'une "175 Motobécane" acquise "à la sueur de mon front" puisque je travaille depuis bientôt deux ans (j'entends d'ici les ricanements et je précise qu'il s'agit d'une image !). L'Algérie, et sa guerre, se profilent à l'horizon du 1er juillet de cette année et je décide donc d'effectuer un "grand voyage" à moto avant. Réfléchir où aller, examiner des cartes aurait dû être la démarche normale. Foin de la normalité, je ferai le tour de la péninsule ibérique (Portugal inclus) un point c'est tout. Personne ne m'a demandé pourquoi et moi je ne me suis pas posé non plus la question ! Au final, je reviens le visage brûlé par le soleil n'ayant effectué qu'un tour approximatif de l'Espagne (San-Sebastián, Burgos, Madrid, Tolède, Cordoue, Séville, Gibraltar, Valence, Barcelone et Andorre). Premier contact donc avec l'Espagne sans pouvoir expliquer le moins du monde "le pourquoi et le comment" de cette attirance. Lors de mes premiers mois d'armée, j'étudie un peu l'Espagnol avec une "méthode Assimil". "¿ Como va Carlos ?"(1) . "¿ I tu familia ?"(2)  ! Un jour, un jeune conscrit d'origine espagnole, me voyant étudier, tente de me parler dans la langue de Cervantes. Fiasco total et rangement définitif de la méthode. 

Beaucoup plus tard, en 1992, je prends une retraite largement méritée (les ricanements ça commence à bien faire !). Tout le monde me dit : "Attention, ça va être dur, le choc est rude, surtout les trois premiers mois, ... etc". Je prends donc la décision de commencer ma vie de retraité par un périple de trois semaines sur la H.R.P. (3) accompagné de deux amis. Nous devons aller, du moins c'est prévu, du col du Somport à l'Andorre (peut-être pour la rime). Le 30 juin 1992, nous sommes donc au petit gîte du col du Somport. Retraité, je le deviens durant mon sommeil puisque la date officielle est le 1er juillet. Pas de traumatisme particulier, ni le premier matin, ni les jours suivants, ni jamais, pour être tout à fait clair ! Une rencontre, toutefois, va être déterminante pour ce qui me concerne. Parmi les deux ou trois autres randonneurs présents dans le gîte, figure un grand Hollandais blond aux cheveux longs style "déglingue soixante-huitarde" (à l'époque, je n'avais pas idée des contingences de la marche au long cours et je n'ai, par ailleurs, rien contre la famille "soixante-huitarde" à laquelle j'appartiens). Sans que je lui demande quoi que ce soit, il m'exhibe fièrement la coquille qu'il porte autour du cou et me raconte dans un français très approximatif qu'il fait le Chemin de Compostelle. Il est parti d'Amsterdam, le 1er mai, et compte être rendu à Saint-Jacques dans environ un mois. Je ne me souviens pas de l'avoir questionné particulièrement ni d'avoir eu le moindre déclic "Compostellien" ce jour. Toutefois, il semble que mon virus de l'"Espagnolite aiguë" en sommeil depuis plus de trente ans se soit progressivement réveillé à compter de ce jour. La H.R.P tournera à un semi-fiasco. Un abandon, du mauvais temps et une mauvaise entente entre les deux derniers protagonistes conduiront à un retour anticipé d'une semaine ! Quelle sera la progression du réveil de ma maladie latente, je l'ai oubliée. Toujours est-il que ... 

Début 1993, après avoir fait l'acquisition du guide du "Chemin d'Arles" des incontournables Louis Laborde-Balen et Rob Day, je décide d'aller d'Arles à Saint- Jacques en deux mois. Pourquoi le chemin d'Arles plutôt qu'un autre ? Encore une fois : "parce que, point à la ligne" (peut être inconsciemment en pensant avoir une météo meilleure sur le chemin le plus méridional). Devenu, entre-temps, "Organisateur" au Club.Alpin.Français, je programme le début de mon chemin en deux "randonnées d'été" de chacune dix jours (d'Arles à Castres et de Castres à Auch). Seule la première m'amène quelques participants. Mon association, entre Toulouse et Burgos, avec Jean-Claude*, instituteur, mais aussi marathonien, me conduit à faire le chemin en quarante-huit jours au lieu des soixante prévus (je reparlerai, au cours de mon récit, de Jean-Claude). L'impression d'avoir été trop vite me conduira à vouloir "mieux voir" le chemin, notamment en Espagne. Et c'est pourquoi ... 

En mai 1995, toujours "organisateur" au Club-Alpin-Français, je programme une "randonnée d'été" devant relier León à Saint-Jacques en deux semaines. Ce sera le "bide" total : personne. Ca tombe bien, j'ai besoin de personne pour faire ce dont j'ai envie (c'est du moins ce que je me suis dit à l'époque, adoptant le comportement du renard dans la fable de La Fontaine "Le renard et les raisins"). "Monsieur Jacques" me voit donc, en cette année 1995, pour la seconde fois. 

En mai 1996, pas le moins du monde traumatisé par l'absence de participants de l'année précédente, je programme en trois semaines le parcours de St Jean-Pied-de-Port à León. Le parcours est divisé en trois tronçons (de Saint-Jean-Pied-de-Port à Logroño, de Logroño à Burgos et de Burgos à León). La possibilité est donnée à chacun d'intégrer et de quitter le parcours au lieu de sa convenance. Le succès est moyen, mais je ne suis jamais seul. "Monsieur Jacques" ne me voit pas cette année puisque je reprends le train à  Léon  en ayant terminé ma "deuxième couche" de "Camino Frances" (beaucoup plus soignée que la première). C'est cette année que je rencontre à Hornillos-del-Camino, ce monsieur Belge de soixante-quinze ans qui marche à contre-sens et rentre à Bruxelles après être allé à Compostelle. Pas de long dialogue, peu de questions. Le "tilt" est immédiat : "Plus tard, quand je serai grand, je ferai pareil depuis chez moi" ! 

La "Compostellite aiguë" est une maladie incurable. En 1998, ne connaissant pas encore la route du Puy (Via Podensis), j'organise en collaboration avec Eliane Benaise (organisatrice du Club.Alpin.Français atteinte du même mal) une "randonnée d'été" reliant le Puy à Moissac. Eliane fait le Puy-Figeac et moi Figeac-Moissac (toujours pour la rime). Le succès est total pour Eliane et quasi-total pour moi. Il est à noter que plusieurs participants n'hésitent pas à faire les vingt jours de marche que représentent les deux tronçons. 

    C'est seulement fin janvier 1999 que ma décision de faire le parcours aller-retour jusqu'à St Jacques-de-Compostelle (suite à ma rencontre avec le fameux pèlerin belge à Hornillos en 1996) devient définitive. C'est décidé. Je pars. 

 

    Cette décision vous vaut la suite.  

PREFACE 

Le pèlerinage de Saint-Jacques 

  

Saint-Jacques était l'un des douze apôtres du christ, frère de Jean l'Evangéliste, fils de Zébédée. Nos deux frères réparaient leurs filets au bord de la mer de Galilée quand Jésus les appela. Abandonnant père et filets, ils le suivirent sur l'instant. A moins de mettre en doute la totalité des Evangiles, on doit donc le considérer comme un personnage historique. On l'appelle Jacques le Majeur pour le distinguer de l'autre apôtre Jacques le Mineur, qui sera chef de l'Eglise de Jérusalem. 

Saint-Jacques aurait été en Espagne pour l'évangéliser. Dans les textes, rien ne le prouve, mais rien non plus ne s'y oppose. C'est après que, "Hérode l'ayant fait périr par le glaive", que ses disciples conduisirent son corps en Gallice. 

C'est vers l'an 813 que les sépultures de l'apôtre et de ses disciples sont retrouvées à Compostelle et les pèlerins ne vont pas tarder à déferler de toute l'Europe vers son tombeau. 

Dès le Moyen Age, quatre grands chemins traversent la France depuis Paris, Vézelay, Le Puy et Arles. Ils se rejoignent peu après les Pyrénées, à Puente-la-Reina, pour constituer ce qu'il est convenu d'appeler le "Camino Frances". 

Notre siècle a vu un renouveau prodigieux des Chemins de Saint-Jacques, et pas seulement pour des raisons religieuses. Aux marcheurs de la foi s'ajoutent aujourd'hui les pèlerins désireux de mettre leurs pas sur les traces de nos ancêtres.